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SYNTHÈSE BIBLIOLOGIQUE

impose un effort accru de synthèse pour réaliser un état accru de conscience et de liberté.

B) La loi d’association. Le propre de l’esprit est de pouvoir associer le plus grand nombre d’idées ; de percevoir le plus nettement et le plus rapidement leurs rapports d’analogie et de différences ; de pouvoir les accumuler dans la mémoire. Le Livre et le document sont des instruments qui aident directement à l’exercice de ces fonctions.

512.7 Sociologie.[1]

a) La Sociologie a ramené à dix les lois du développement de l’organisation du travail social.[2]

On retrouve ces lois dans le Livre dont on peut dire qu’il est un « souslogisme ».

La loi des dimensions ou désir de s’étendre. Le Livre tend constamment à grandir ses dimensions en étendant les matières dont il traite.

La loi de la forme ou fonction de l’entrée continue de nouveaux éléments qui s’amalgament aux éléments antérieurs. Le Livre aussi voit entrer sans cesse dans sa structure de nouveaux éléments qui ne supplantent pas les premiers, mais donnent lieu à des formes synthétiques nouvelles, des structures franches, qui s’ajoutent aux structures anciennes.

La loi des groupes organoplastiques qui sont, en Sociologie, l’union familiale et l’union sociale, tous deux antagonismes durant toute l’histoire. En Bibliologie on constate la coexistence et l’opposition du Livre monographique et du livre d’ensemble (traité, encyclopédie).

Loi de coopération : La loi de coopération s’accroît aussi dans l’élaboration de toutes les parties et dans le fonctionnement de toutes les branches du Livre.

Loi de différenciation. Les Livres vont en se spécialisant et se différenciant de plus en plus.

Loi d’intégration. Parallèlement à la différenciation, les Livres vont en s’intégrant de plus en plus en un grand corps bibliographique qui s’étend à toute la matière (matière bibliologique) et en constitue une expression supérieure.

La loi de centralisation qui s’exprime par le désir d’uniformité dans la production. Le Livre tend aussi à s’unifier, sa production tend à s’amalgamer et à se trustifier

La loi de concentration. — En vertu de cette loi, tout organisme fait effort pour concentrer ace forces et rendre son travail plus efficient. Semblablement les organismes du livre économisent leurs forces en concentrant leurs opérations et dans les livres eux-mêmes il y a une plus grande concentration des matières par réunion de celles contenues dans les ouvrages antérieurs.

Loi d’imitation. — Dès qu’une forme de livres est créée, les auteurs s’empressent d’en faire des imitations.

10° La loi d’association. — Elle résume en une seule toutes les lois précédentes de développement et en vertu de laquelle il y a tendance croissante à accroître la « socialité », la « socialisation ». Dans le livre la même tendance est à l’œuvre. Tout ce qui originairement était individuel, isolé, dispersé, se rapproche et entre en rapport d’association.

b) La société est un tissu d’action « interspirituelle », d’états mentaux agissant les uns sur les autres.[3] Elle est un accord intermental, une connexion mentale, un groupe de jugements et de desseins qui se contredisent ou se contrarient le moins possible, qui se confirment ou s’entr’aident le plus possible. La société ainsi est un système qui diffère d’un système philosophique, en ce que les états mentaux dont il se compose sont dispersés entre un grand nombre de cerveaux distincts au lieu d’être ramassés dans le même cerveau. Le livre est le moyen de régulariser, de généraliser, d’amplifier ces actions interspirituelles.[4] (G. Tarde, Psychologie économique, p. 1.)

    leur d’un livre au point de vue de son assimilation. Il est des ouvrages, plus ou moins assimilables par tel ou tel type de lecteurs. 6. En conséquence on peut déduire des règles scientifiques auxquelles, en se plaçant au seul point de vue de cette assimilation, devraient obéir les auteurs afin d’obtenir le maximum de « lisibilité ». Ces règles devraient constituer comme un développement des règles de l’ancienne rhétorique ; elles devraient synthétiser, en un seul corps de doctrine, outre ces règles, celles que l’on a commencé à élaborer, les unes empiriquement, les autres scientifiquement, pour capter et retenir l’attention, produire des émotions, détourner des volontés et des résolutions, faire comprendre des notions et celà qu’il s’agisse d’individu, de groupe ou de masse. C’est la pédagogie ou manière de s’adresser à l’enfant ; l’art du propagandiste religieux, politique, du moraliste ou éthicien ; l’art du conférencier, de l’orateur, et de tous ceux qui parlent en public ; l’art du directeur et du conseiller religieux ; l’art qui intervient dans la critique scientifique.

  1. La Sociologie Bibliologique, dont il a été traité sous le N° 153, a pour objet de considérer, dans l’explication sociologique totale les faits se rapportant au facteur « livre » ; et réciproquement de chercher à expliquer les phénomènes du livre par des explications d’ordre sociologique.
  2. Müller-Lyer, History of social development, p. 255.
  3. Les sociologues ont d’abord cherché à la science des sociétés un fondement de l’ordre mécanique. Pour Quetelet (Le système social), le monde social est une sorte de système solaire. Comte emprunte les divisions de la sociologie, à la mécanique (partie statique, partie dynamique) et il parle de physique sociale. Carey imagine une chimie sociale. Spencer fait de la société un organisme et en retrouve chez elle toutes les fonctions. Tarde voit dans la société une fonction psychique.
  4. Ibidem, chapitre II : La valeur et les sciences sociales, p. 63.