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ÉLÉMENTS GRAPHIQUES

intellectuelles et abstraites. Les premières conduisent aux secondes par d’insensibles transitions.

Pour l’assimilation des matières par l’esprit sont utiles des schémas, comme sont utiles des tableaux synoptiques et des plans de matières traitées.

2. Les images schématiques comprennent : a) les schémas proprement dits ; b) les graphiques ou diagrammes qui traduisent en lignes (courbes), en surfaces, en blocs les données numériques des mesures et des statistiques.

3. Diagrammes. — Par des traductions de chiffres, lignes et figures de documents de grande proportion, on obtient des diagrammes qui, pour approximatifs qu’ils soient, sont cependant pleins d’intérêt.

Les diagrammes sont des dessins géométriques qui servent à démontrer une proposition à résoudre, un problème, à représenter le rapport de situation de choses, ou à figurer d’une manière graphique la loi de variation d’un phénomène.

Les diagrammes sont donc constitués par des courbes qui traduisent en lignes les nombres mesurant les phénomènes. Deux courbes de même échelle comparées entre elles montrent en leur différence un rapport auquel à son tour peut être donné la forme d’une troisième courbe directement comparable aux deux autres. Ex. Le diagramme de Rueff, corrélation entre la courbe du chômage et celle qui représente les rapports des salaires aux prix de gros.

Le diagramme, figure géométrique, a une forme qui varie avec les données représentées. On peut concevoir l’établissement d’un appareil qui donne du phénomène un diagramme analogique dont toute la configuration varie avec les transformations mêmes du phénomène. Les propriétés du diagramme peuvent être étudiées mathématiquement, par la trigonométrie notamment. Elles peuvent donner lieu à des mesures qui seront celles des phénomènes et à un enregistrement photographique donnant lieu à pellicule cinématographique.

Les résultats d’une recherche peuvent avantageusement être mis sous la forme de diagrammes. Ex. Van t’Hoff et ses élèves ayant ainsi déterminé les lois de la cristallisation des sels de mer, les ont mis sous la forme de diagrammes triangulaires (stéréochimie).

L’Harmonigramme est le tableau chronologique de l’ensemble des réalisations à prévoir pour un certain travail à enlever à une date fixe. C’est un instrument de prévision, de coordination et de contrôle grâce auquel la direction et ses collaborateurs ont constamment sous les yeux l’ensemble des opérations particulières à réaliser. L’enchaînement et la concomitance de toutes les opérations y sont intuitivement motivés. Aucune mémoire humaine ne pourrait se substituer à cet instrument synoptique qui permet de conduire méthodiquement et avec sûreté des milliers d’opérations. Exemple : Le tableau chronologique de l’Exposition de Bruxelles 1935 comprend 85 colonnes verticales pouvant contenir près de 3,200 fiches et indiquant les diverses catégories de travaux. Elles sont coupées par des colonnes horizontales permettant de suivre mois par mois la réalisation de chacun des travaux projetés, depuis son début jusqu’à sa fin. — L’Harmonigramme transcrit donne le résultat de l’analyse d’un dossier administratif et donne l’image de sa vie.

4. Les graphiques sont aussi des dessins simplifiés. Ils constituent un langage, le langage de la ligne. Dans toute étude où la forme prend de l’importance (par ex. la Zoologie), l’art du dessin annote les caractères et se lie étroitement à la statique, à la mécanique et à l’anatomie animale. Il donne, des formes à ces trois points de vue, une compréhension prompte et sûre.

En matière de botanique, on a publié, en Hollande, des descriptions qu’on a appelées des « penportraits ». Au lieu d’avoir des diagnoses excessivement détaillées, d’un seul coup d’œil on a, dans ces ouvrages, des descriptions, des plans qui donnent bien l’équivalence des diagnoses. C’est alors, non plus à un texte que l’on a recours, mais à la vision directe, schématique.

5. Les graphiques d’organisation des organismes (entreprises, administrations, instituts, secrétariats) ont pour but de rendre visible d’un coup d’œil : a) la composition du système : ses organes, son rôle, sa composition, son organisme ; les opérations et l’ordre dans lequel elles doivent être exécutées ; les organismes accessoires ; b) les liaisons entre les différentes parties du système et certaines de ces parties et l’extérieur de l’organisme. Ces liaisons sont un des buts principaux du graphique ; c) les fonctions et les noms des exécutants ; d) l’ordre chronologique des tâches et travaux ; e) les diverses modalités utiles à connaître pour la conduite du travail.[1]

6. L’art d’établir des schémas (la schématique) doit devenir une branche de la bibliologie ; elle est, en tant que celle-ci, la théorie de l’enregistrement et de l’exposé méthodique des connaissances scientifiques.

La place du schéma dans le livre est indiquée par le tableau suivant :

Livre
texte (écriture)
image
concrète
réelle   dessinée
   
abstraite fictive
mécanique (photo, calque, enregistrement automatique).

La marche progressive de la constitution d’un langage schématique commun consiste en ceci : a) trouver une expression diagrammatique pour l’exposé de toute idée ; b) obtenir l’accord collectif sur des schémas bases de manière que les études faites une fois serviront pour

  1. Voir notamment le graphique de l’organisation du Contrôle Budgétaire établi par MM. F. Greiner et A. Martynoff. Bulletin du Comité National belge de l’Organisation scientifique, 15 juillet 1932, p. 88.