Page:Ourliac - Nouvelles.djvu/135

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porte s’ouvrit avec fracas ; le capitaine de gendarmerie parut à son tour, affectant le calme et marchant à pas lents vers Thibault, les bras ouverts et les mains tremblantes.

— Thibault ! mon ami, tu n’y penses point, qu’est-ce que cela signifie ? Tu exposes ta vie, tu exposes la mienne, tu me connais, tu sais combien je le suis attaché ; je ne voudrais pas te trahir, moi ! Eh bien, je te conseille, je te supplie de ne pas résister. C’est abominable ! tu me forces à employer la violence…

Le capitaine, qui s’était insensiblement rapproché, s’élança tout à coup sur Thibault, lui relevant les bras en le serrant dans les siens. Dans cette étreinte l’un des pistolets partit et logea sa balle dans le plafond, le capitaine retint l’autre, les gendarmes parurent et Thibault fut pris. Mais il est certain que sans notre ami le capitaine on n’en fût point venu à bout si aisément.

On était sorti du régime de la Terreur ; mais le gouvernement en avait gardé de beaux restes. Je crois même que les événements de fructidor étaient venus réveiller les fureurs jacobines. Thibault fut traduit devant un conseil de guerre. Il y parut avec sa veste de houzard ; il y parla comme Robert lui-même dans le mélodrame de Lamartellière ; mais ma déposition le sauva, en jetant tout l’odieux sur les gendarmes, qui avaient tiré les premiers sur l’accusé, à travers les portes. Thibault fut profondément touché d’un trait où il voulut voir de la générosité. Nous voilà plus liés que jamais ; j’allai le voir souvent dans sa prison ; enfin il fut acquitté, il le regrettait presque.

— Mon ami, mon plan était fait, s’écriait-il en prenant une pose de théâtre, je t’aurais demandé de m’accompa-