Page:Ourliac - Nouvelles.djvu/180

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ron de la maison. Un pavillon ouvert, avec balustrade sur le boulevard, s’appuyait à l’un des coins.

Collinet avait à peine remarqué tout cela. Un jour qu’il lisait à cette place, il leva les yeux et vit une jeune fille qui brodait sur cette terrasse. Elle le remarqua avec curiosité, comme on regarde un étranger, dans une petite ville. Il la considéra sans effronterie ; il était vêtu simplement, mais ses habits marquaient plus de goût et de distinction que ceux des jeunes gens de l’endroit. Le lendemain il revint à la même place et retrouva la demoiselle à la sienne. Il en arriva autant plusieurs jours de suite. La grille, les fleurs, cette même heure, les beaux cheveux de la jeune fille, ce balcon qui l’encadrait, ces premiers regards pleins de tout ce qu’on veut, il n’en fallait pas davantage pour exciter dans la tête d’un garçon comme Collinet cette fermentation qui n’est d’abord qu’un jeu d’esprit, mais qui peut devenir un amour violent. La jeune fille s’occupait de lui, c’était beaucoup ; ce jeune homme toujours seul et lisant toujours l’intéressait ; ils pressentaient tous deux une âme plus distinguée que celles qui les entouraient : ils s’embellissaient l’un l’autre dans leur imagination, et peut-être en effet qu’ils se devinèrent.

Un jour, à propos d’un livre qui tomba du balcon, ils se parlèrent. Collinet ramassa le volume et le tendit avec grâce. La jeune fille murmura quelques remercîments. Le livre était tombé ouvert. Le comédien épousseta le feuillet et ajouta au passage souillé une allusion qui annonçait en quelques mots de l’éducation et que l’auteur lui était familier. La demoiselle sourit en rougissant. Mais la timidité les retint tous deux, ils en restèrent là. Ce hasard