Page:Ourliac - Nouvelles.djvu/343

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sait rien de positif sur ses antécédents ; mais les suites de l’alliance de Ronquerolles laissent douter que sa maison fût irréprochable. L’habitude, l’insouciance du capitaine qu’on traitait fort bien, l’inclination qu’il avait conçue pour mademoiselle Cécilia Broussel, l’aveuglèrent sur les considérations les plus graves.

Peu de temps après la noce, mademoiselle Cécilia, qui voulait voir fa France, fit obtenir à son mari une mutation qui lui donnait le même grade de capitaine dans un régiment de dragons en garnison à Paris. Ce changement flattait les goûts de Ronquerolles, qui se promit plus de temps pour l’étude dans une garnison paisible. Mais un événement vint le distraire de ses premiers chagrins, car il n’avait pas tardé à s’apercevoir qu’il n’avait point épousé la femme qu’il lui fallait. Une chère petite fille étant née de son mariage, il reporta sur elle tous les doux sentiments de son âme aimante ; il la fit élever sous ses yeux, et cette enfant fut sa seule récréation au milieu de ses travaux. Il s’était donné plus que jamais à l’étude, au point d’en prendre une teinte ridicule aux yeux de sa femme et de ses amis ; mais il était toujours fort aimé dans son régiment. Un jour, un autre capitaine, son intime ami, vint lui dire, sans autre préparation :

— Mon cher, je compte que tu vas tuer le lieutenant Soupied. On tient des propos qu’il a fait naître lui-même, et ta famille y est mêlée. Je ne veux pas te laisser ignorer cela. Tu te dois à toi-même de tuer Soupied.

— Tuer Soupied ! dit Ronquerolles stupéfait, en levant la tête ; car il était assis devant sa table, son livre et ses cahiers sous les yeux.