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les métamorphoses


veux que tu suives sans t’égarer la véritable voie ; il te faudra passer entre les cornes du Taureau(12) qui regarde à l’orient, l’arc du Centaure d’Hémonie(13), la gueule menaçante du Lion(14), les bras terribles du Scorpion, recourbés autour d’un long espace, et ceux du Cancer(15), qui s’ouvrent en sens opposé. Mes coursiers, bouillant du feu qui brûle dans leurs flancs, et qu’ils exhalent de leur bouche et de leur naseaux, ne seront pas dociles à ta main : à peine souffrent-ils la mienne ; quand leur ardeur s’échauffe et s’allume, leur bouche alors repousse les rênes. Ô mon fils, crains d’obtenir de ton père un funeste présent, et puisqu’il en est temps encore, rétracte des vœux imprudents. Pour te croire issu de mon sang, tu demandes un témoignage certain ; en est-il un plus certain que le trouble où je suis ? Mon effroi paternel atteste que tu es mon fils. Tiens, contemple mon visage ! Plût au ciel que tes yeux, pénétrant au fond de mon âme, pussent y surprendre les angoisses qui la déchirent. Que te dirai-je enfin ? Promène tes regards sur les richesses que renferme le monde ; parmi tous les trésors du ciel, de la terre et de la mer, choisis et demande, tu n’essuieras point de refus. Si je te refuse une seule grâce, c’est qu’à vrai dire elle est moins un honneur qu’un châtiment : oui, c’est un châtiment, Phaéton, et non un bienfait que tu me demandes. Insensé, pourquoi me presser dans tes bras caressants ? N’en doute pas, je l’ai juré par les ondes du Styx, tes vœux, quels qu’ils soient, seront satisfaits : puissent-ils être plus sages ! »

Tels furent ses derniers avis : mais, rebelle à sa voix, Phaéton persiste dans sa résolution, et brûle du désir de monter sur le char de son père ; autant qu’il peut, du moins, Apollon résiste et diffère ; mais il fallut enfin le conduire jusqu’au char immortel, présent de Vulcain. L’essieu et le timon étaient d’or ; un cercle d’or formait la courbe des roues, sillonnées, d’espace en espace, par des rayons d’argent semés sur le timon ; des chrysolithes et des pierreries, disposées avec art, réfléchissaient l’éclatante lumière du soleil. Tandis que l’audacieux Phaéton admire dans tous ses détails ce merveilleux ouvrage, la vigilante aurore ouvre les portes resplendissantes du radieux Orient ; elle sort de son palais de roses, les étoiles fuient, et se rassemblent en foule autour de Lucifer(16), qui se retire le dernier du céleste séjour. Dès que le soleil voit l’univers rougir aux feux naissants de l’aurore, et la lune s’éclipser jusqu’aux extrémités de son disque, il commande aux heures rapides d’atteler ses coursiers. Les déesses se hâtent d’exécuter ses ordres ; détachés, par leurs mains, de leur crèche céleste, les coursiers arrivent vomissant la flamme et saturés des sucs de l’ambroisie, et ils reçoivent le frein retentissant. Apollon répand sur le front de son fils quelques gouttes d’une essence divine, le rend impénétrable aux traits rapides de