Page:Ovide - Œuvres complètes, Nisard, 1850.djvu/414

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un javelot inutile ; le fer ne fait qu’effleurer un tronc d’érable. Le second dard eût été plus heureux s’il n’eût été brandi avec trop de force ; on eût dit qu’il allait s’enfoncer dans les flancs du sanglier, mais il vole au-delà : c’était celui de Jason. « Apollon, s’écrie Mopsus, si je fus ministre de tes autels et si je le suis encore, entends ma voix et permets que, lancé d’une main sûre, ce dard atteigne le monstre. » Le dieu exauce autant qu’il peut sa prière : le trait frappe le sanglier, mais ne le blesse pas : pendant qu’il volait, Diane en avait ôté le fer, et le bois en tombant n’avait plus de pointe. Cependant le coup ranime la fureur du monstre : la foudre éclate avec moins de vitesse ; l’éclair jaillit de ses yeux ; le feu, de sa poitrine. Comme on voit une pierre poussée dans l’air par l’effort d’une corde tendue, voler et battre des murailles ou des tours pleines de soldats, aussi impétueux dans son élan meurtrier, le monstre se jette sur les chasseurs, et renverse Eupalamon et Pélagun, qui conduisaient l’aile droite : leurs compagnons les relèvent et les emportent. Mais Énæsime, fils d’Hippocoon ne peut éviter sa morsure fatale : tremblant et prêt à fuir, il tombe sous la dent du sanglier qui lui coupe les nerfs du jarret. Peut-être même Nestor n’eût-il pas vécu jusqu’au siége de Troie, si, prenant son élan à l’aide de sa lance qu’il avait plantée en terre, il ne s’était élancé sur un arbre voisin, du haut duquel il pût voir en sûreté la vaine rage de son ennemi. Le monstre enfonce ses dents dans le tronc, les aiguise et les exerce au meurtre ; et comme si sa fureur venait de trouver de nouvelles armes, il se jette sur Othrias, et d’un coup de dent lui déchire la cuisse. Les deux frères jumeaux, dont le double astre n’avait pas encore pris place dans le ciel, tous deux jeunes et brillants, montés sur des coursiers plus blancs que la neige, balançaient dans leurs mains leurs longues et tremblantes javelines. Ils auraient percé le monstre s’il ne se fût jeté dans un épais taillis, impénétrable aux traits comme aux chevaux. Télamon le poursuit, mais, dans l’ardeur qui l’emporte, une racine d’arbre l’arrête et le fait tomber. Tandis que Pélée le relève, Atalante pose sur la corde une petite flèche rapide ; l’arc fléchit sous sa main, le trait part, rase le flanc du monstre, l’atteint au dessous de l’oreille, et fait couler sur ses soies quelques gouttes de sang. Méléagre ne ressentit pas moins de joie d’un coup si heureux qu’Atalante elle-même ; le premier il voit le sang que le monstre a perdu, et le premier il le fait voir à ses compagnons. « À vous, dit-il, le prix du courage. » Ces paroles font rougir les héros ; tous s’encouragent à l’envi, s’animent en poussant de grands cris, et font pleuvoir confusément une grêle de traits qui, se nuisant par le nombre et se frappant les uns les autres, perdent leur force et tombent sans effet. Alors, la