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les métamorphoses

le rameau flexible de la vigne, qui se dérobent sous la main, plus impassible que ces rochers, plus impétueuse que le torrent, plus fière que le paon dont on loue le plumage, plus irritante que la flamme, plus âpre que les ronces, plus farouche que l’ourse devenue mère, plus sourde que les profondeurs de l’Océan, plus cruelle que le serpent foulé par le pied du voyageur ; et, ce qui fait surtout ma douleur, plus agile que le cerf devant la meute aboyante, plus légère que l’aile du zéphyr. Ah ! si tu me connaissais, tu te repentirais d’avoir fui ; tu regretterais tes longs refus, tu ferais tout pour me retenir auprès de toi. J’ai sur le flanc de la montagne un antre creusé sous le rocher ; là, on ne sent ni la chaleur brûlante de l’été, ni les glaces de l’hiver : j’ai des arbres dont les branches plient sous les fruits ; j’ai de longues vignes aux raisins dorés, d’autres aux raisins colorés de pourpre : je t’en réserve les grappes. Toi-même, de tes mains tu iras cueillir la fraise parfumée, née à l’ombre des bois, les fruits d’automne du cornouillier, la prune au noir duvet, et celle, plus délicate, dont la couleur imite la cire nouvelle. Ni les douces châtaignes, ni les fruits les plus savoureux ne manqueront à mon épouse : tous les arbres serviront ses désirs. Ces troupeaux sont à moi : beaucoup d’autres errent dans les forêts et dans les vallées ; beaucoup reposent dans les antres de la montagne. Ne m’en demande pas le nombre, je l’ignore : c’est au pauvre qu’il convient de dénombrer son troupeau. Mes brebis sont belles ; mais viens en juger par toi-même : viens voir comme elles peuvent à peine soutenir leurs traînantes mamelles. Les jeunes agneaux sont dans de chaudes étables : d’autres sont remplies de jeunes chevreaux. J’ai toujours du lait blanc comme la neige : j’en garde une partie pour le boire ; je laisse l’autre s’épaissir en fromage. Près de moi, tu n’auras pas seulement de ces présents vulgaires, plaisirs si faciles à donner : des daims, des lièvres, des chevreaux, une paire de colombes, ou un nid enlevé sur la cime d’un arbre : j’ai trouvé, dans les montagnes, deux jeunes ours au long poil, qui pourront jouer avec toi : c’est à peine si tu sauras les distinguer, tant ils se ressemblent. Je les ai trouvés, et je me suis dit : je les garderai pour ma maîtresse. Viens, ô Galatée, lève ta belle tête au-dessus des flots d’azur ; viens et ne dédaigne pas mes présents. Je connais ma figure, je l’ai vue naguère dans une eau limpide, et son image m’a plu. Vois comme je suis grand ! Jupiter n’est pas plus grand dans le ciel ; car vous parlez toujours de je ne sais quel Jupiter, qui règne, dites-vous, sur le monde. Une épaisse chevelure domine mon large front, et, comme une forêt, ombrage mes épaules. Si mes membres sont hérissés de poils, crois-moi, ce n’est pas une