Page:Ozanam - Œuvres complètes, 3e éd, tome 10.djvu/425

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mirablement conservées comme autant de Pompéias féodales. Bheinfels, Saint-Goar, Oberwesel, Bacharach ( Bacchiara), l’enceinte de murs crénelés, les tours et les-portes sur la rivière, le donjon sur le tertre voisin, la grande église collégiale ou paroissiale, tantôt romane, tantôt gothique ; les couvents des religieux ; les calvaires, saints-sépulcres, statues miraculeuses aux environs : tout s’y retrouve, hormis les populations ; car la plupart de ces ruines n’ont d’habitants qu’un petit nombre de vignerons, de tisserands et de pêcheurs. Notre course rapide nous permettait a peine de saluer ces intéressantes apparitions du passé ; pourtant je leur ai promis de ne les oublier point. Ces souvenirs iront en joindre d’autres qui ne m’étaient pas moins précieux et qui déjà commencent à s’en aller : voilà pour moi un des chagrins du voyage. Il n’est pas un coin sur ma route de Florence à Fribourg, et de Bruxelles ici, où mes affections ne se soient un moment accrochées ; pas un adieu qui ne m’ait coûté. J’aurais voulu du moins emporter par la pensée ce que les regards abandonnaient, mais ma mémoire ne retient pas la figure des lieux ; l’ombre qui lui en reste y flotte encore quelque temps, et finit souvent par disparaître. Au moins pour ces spectacles du monde matériel, reste-t-il le pouvoir et par conséquent l’espérance d’en renouvelér l’image en les allant chercher là où nous les savons. Pourquoi faut-il qu’il n’en soit pas de même