Page:Ozanam - Œuvres complètes, 3e éd, tome 2.djvu/127

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était aussi en mesure de fonder toute une société nouvelle. Il en avait les éléments dans cette hiérarchie dont nous avons démontré l’antiquité, dans ces moeurs dont la sainte hardiesse introduisait à la vie de l’esprit les esclaves, les pauvres et les femmes. C’est cette invasion des déshérités du monde ancien, de ceux que la société méprisait qui prépare, devance et dépasse de beaucoup, à mon sens, dans ses proportions, l’invasion des barbares. C’est elle qui déjà grandit l’auditoire auquel s’adressera la parole humaine et qui par conséquent renouvelle l’inspiration des lettres.

Je vais maintenant étudier avec vous ces premiers commencements de la littérature chrétienne, chercher comment le principe régénérateur, descendant à tous les degrés de la pensée, s’empara de l’éloquence, de l’histoire, de la poésie, et leur donna dès le cinquième siècle, ces mêmes formes que le moyen âge vit s’épanouir avec tant de vigueur ét d’éclat.

Mais il fallait d’abord que la littérature chrétienne trouvât sa langue, et, ce qui est plus difficile, qu’elle le composât d’éléments existants et rebelles. Il fallait que l’Eglise d’Occident parlât latin, c’est-à-dire la langue naturelle de cette société mourante dont elle avait à consoler les derniers moments, la langue d’emprunt de cette multitude de Germains, de Francs, de Vandales qui déjà envahissaient les terres des frontières, les rangs