Page:Ozanam - Œuvres complètes, 3e éd, tome 2.djvu/184

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moire  ? mais, si vous n’aviez pas une mémoire, comment retiendriez-vous les paroles que je vous adresse ? Avez-vous une intelligence ? mais si vous n’aviez pas d’intelligence, comment comprendriez-vous ce que je vous dis ? Avez-vous une volonté ? Si vous n’aviez pas de volonté, comment me répondriez-vous ? –Et après les avoir ainsi amenés à dégager eux-mêmes de ce chaos de leur intelligence grossière les trois facultés constitutives de l’âme, il leur en montre à la fois l’unité et la variété. Peu à peu cette foule le comprend, le suit, le devance ; il aperçoit qu’il est entendu, il est ravi, et il s’écrie : « Je le dis sincèrement à votre charité : je craignais de réjouir la subtilité des habiles et de décourager les esprits lents ; maintenant je vois que par votre application à écouter, par votre promptitude à comprendre, non-seulement vous avez saisi la parole, mais que vous l’avez devancée. Je rends grâces à Dieu[1]». C’était, en effet, un prodige que d’arriver à élever à ce degré de métaphysique, à cette puissance intellectuelle des âmes si grossières et si mal préparées, et quand Platon écrivait sur sa porte « Nul n’entre ici s’il n’est géomètre,» il était glorieux d’écrire au contraire sur sa porte, comme le Christ : Venite ad me, omnes. Vous tous qui travaillez, qui bêchez la terre, qui pêchez dans la

  1. S. Augustin, de Trinitate, serm. 52.