Page:Ozanam - Œuvres complètes, 3e éd, tome 2.djvu/241

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raison se hasardât à parler aux hommes dans sa langue naturelle.

Le christianisme, au contraire, ne pouvait souffrir que ses origines fussent enveloppées de fictions. Il proposait des faits et des dogmes, c’est-à-dire des vérités définies, non pas à l’imagination, mais à la raison des peuples ; c’est pourquoi il leur parla en prose, et en prose seulement, pendant trois siècles. C’est au bout de ce temps que commence la poésie chrétienne, et ses commencements sont très-faibles. Cependant il semble que rien n’a manqué pour l’inspirer, ni la grandeur des spectacles, en présence de ce changement qui remue la surface du monde, ni l’émotion des âmes, et ce travail intérieur qui a ébranlé, retourné jusqu’aux derniers fondements de la conscience. Mais le spectacle même était trop près, et, comme l’a dit excellemment M. Saint-Marc Girardin, dans un morceau de critique, la vérité était trop forte pour faire des poëtes à cette époque ; elle ne pouvait faire encore que des martyrs. Entre l’émotion et l’inspiration poétique, il faut un intervalle, et vous verrez que ce n’est pas trop de ces siècles silencieux pour mûrir la fécondité de l’art chrétien.

J’écarte le petit nombre de poëtes inconnus qui écrivirent dans le temps des persécutions ; j’écarte plusieurs compositions attribuées tantôt à Tertullien, tantôt à saint Cyprien, mais assurément contemporaines de ces grands hommes. La paix de