Page:Ozanam - Œuvres complètes, 3e éd, tome 2.djvu/245

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pourquoi ils s’efforcent de retenir les formes virgiliennes, classiques, pures, tout en jetant dans ce moule antique des idées nouvelles, au risque de voir ces idées, pénétrant, en quelque sorte, la forme dans laquelle elles ont été reçues, finir par la faire éclater et par briser le moule.

Quelques-uns pousseront l’oeuvre jusqu’à réduire l’Évangile en centons et à faire, comme Faltonia Proba, une histoire du Sauveur en trois cents hexamètres, composés chacun de deux ou plusieurs fragments,de Virgile. Mais, sans s’abandonner à ces excès, Sédulius et Juvencus s’attachent à retenir la langue de l’antiquité et à beaucoup d’égards ils y réussissent ; ils ne sont inférieurs, sous ce rapport, à aucun des poëtes païens de leur temps. On reconnaît chez eux, à toute heure, l’imitation de Virgile, d’Ovide ou de Lucrèce. Sans doute l’imitation est souvent inintelligente ; par exemple, le vers où Virgile représente Cassandre élevant ses yeux suppliants au ciel parce que ses mains étaient enchaînées, servira pour exprimer le bon larron sur la croix tournant vers le Christ ses yeux parce que ses deux mains sont clouées au bois du supplice. Plus d’une fois, ce calque de l’antiquité manquera de goût et de justesse, mais enfin les poëtes qui s’y sont appliqués ont atteint leurbut ils ont obtenu deux- résultats, l’un qu’ils cherchaient et l’autre auquel ils n’avaient jamais songé.