Page:Ozanam - Œuvres complètes, 3e éd, tome 2.djvu/344

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nations, enchaînés les uns aux autres, « combien alors, dit-il, combien de provinces pleuraient leur défaite, leur humiliation et leur servitude Que l’Espagne dise ce qu’elle en pense, elle qui pendant deux siècles inonda ses campagnes de son sang, incapable à la fois de repousser et de supporter cet opiniâtre ennemi. Alors, traquésde ville en ville, épuisés par la faim, décimés par le fer, le dernier et misérable effort de ses guerriers était d’égorger leurs femmes et leurs enfants, et de s’entre-tuer ensuite[1]. »

Le ressentiment de Sagonte, abandonnée par les Romains et contrainte de s’ensevelir sous ses ruines, revit encore dans ces paroles amères et dans ces implacables reproches de l’écrivain ecclésiastique. Si les liens de l’empire tendaient ainsi à se rompre par la violence même avec laquelle ils avaient été tendus, si les causes politiques travaillaient déjà à faire naître et à entretenir un esprit d’opposition et d’isolement dans les différentes provinces, il faut bien reconnaître que la diversité des langues y contribuait aussi.

Rien ne semble plus faible qu’une langue, rien ne semble moins redoutable pour un conquérant qu’un certain nombre de mots obscurs, qu’un dialecte inintelligible conservé par un peuple vaincu : cependant il y a dans ces mots une force que les

  1. Paul Orose, 1 V cap 1.