Page:Ozanam - Œuvres complètes, 3e éd, tome 2.djvu/54

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Ce sont là les deux principes par lesquels les barbares doivent innover dans le monde. Il faut voir s’ils n’ont pas été précédés, si en arrivant avec ces deux instincts généreux, le respect de la dignité humaine et la vénération des femmes, ils ne trouveront pas une puissance qui avait déjà fait de ces deux instincts deux vertus.

Le premier ressort, le ressort secret, profond de la société moderne, c’est ce sentiment excellent qu’on appelle l’honneur, qui n’est autre chose que l’indépendance et l’inviolabilité de la conscience humaine, supérieure à tous les pouvoirs, à toutes les tyrannies, à toutes les forces du dehors ; c’est, en un mot, le sentiment de la dignité de l’homme, et nous ne devons pas méconnaître combien l’antiquité, avec toutes ses vertus civiques, avait opprimé cet instinct légitime de la dignité personnelle. En effet, vous le savez, en présence de la patrie, le citoyen n’est rien ; en présence de la loi, la conscience se tait ; en présence de l’Etat, l’homme ne connaît pas de droits. Voilà la loi générale et en même temps que l’antiquité écrasait la dignité humaine par la majesté de l’État, elle flétrissait la personne dans trois sortes d’hommes qui composaient la grande majorité du genre humain : les esclaves, les ouvriers et les pauvres. Nous savons ce que les lois anciennes avaient fait de l’esclave, nous ne savons pas assez ce qu’il était devenu dans les mœurs, ce qu’était devenue cette