Page:Ozanam - Œuvres complètes, 3e éd, tome 2.djvu/65

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faillit devenir fatale, et qui coûta la vie à quatre-vingt mille Romains[1]

Voilà les liens sous lesquels pliait le travail libre voila de quelles usures provenaient les nexi et toutes ces peines dont le débiteur était menacé. D’après la loi, des Douze Tables, le débiteur qui ne satisfaisait pas son créancier était mis à la discrétion de celui-ci pour être vendu comme esclave, ou bien coupé en autant de morceaux qu’il y avait de créanciers, afin que chacun d’eux eût sa part. Au temps de Sénèque, on ne coupait plus le débiteur en morceaux, mais on le contraignait de vendre ses enfants, et, jusqu’à Constantin, on vendait sur la place publique les enfants du débiteur insolvable. Voilà comment l’antiquité traitait le travail libre. Le christianisme le réhabilita par l’exemple du Christ et des apôtres, par l’exemple de saint Paul, qui avait voulu travailler de ses mains, et s’était associé à Corinthe avec le juif Aquila pour faire des tentes, plutôt que de manger un pain qu’il n’aurait pas gagné à la sueur de son front. Les premiers chrétiens étaient tous des gens de travail, et Celse prenait en grande pitié « ces cardeurs de laine, ces foulons, ces cordonniers, tourbe ignorante et grossière qui se tait devant les chefs de famille et les vieillards, mais qui entraîne a l’écart les femmes et les enfants pour les persuader de ses prodiges. »

  1. Dion Cassius, LXII, 2. cf. Tacite, Annales, XIII, 42.