L’esprit de la législation se manifeste dans le gouvernement qui l’applique. Celui de Charlemagne ne passe pas les bornes du pouvoir temporel, il exécute sans innover, et, en même temps qu’il protége, il obéit. Tous les grands évêques de son temps entrent dans ses conseils : Leidrade de Lyon, Amalaire de Trèves, Wulfaire de Reims, Hildébald de Cologne, Riculfe de Mayence, Arnon de Salzburg. Si les instructions des Missi dominici touchent aux affaires ecclésiastiques en même temps qu’aux civiles, ces commissaires, envoyés deux par deux
que Francorum rector, et devotus sanctae Ecclesiae defensor, atque
adjùtor in omnibus apostolicae sedis, hortatu omnium fidelium nostrorum,
et maxime episcoporum, ac reliquorum sacerdotum, etc.
Capitula ecclesiast., 804, Pertz. « Quapropter placuit nobis vestram
rogare solertiam, o pastores Ecclesiarum Christi et ductores gregis
ejus, et clarissima mundi luminaria. ne lupus insidians aliquem
canonicas sanctiones transgredientem, vel paternas traditiones universalium
concitiorum excidentem, quod absit, inveniens devoret. »
Cf. Capitul., 769, 779, 804, et particulièrement Capitul.1, ann.
803 : « Sacrorum canonum non ignari, ut in Dei nomine sancta Ecclesia
suo liberius potiretur honore.. assensum ordini ecclesiastico
preebuimus, ut scilicet episcopi per electionem clericorum et populi,
secundum statuta canonum de propria dioecesi, remota personarum
et munerum acceptione, ob vitae meritum et sapientiae domum eligantur ».
M. Guizot (Histoire de la civilisation en France, XXVI° leçon)
attribue à Charlemagne la souveraineté en matière religieuse. Il ne
suffit pas, pour établir un fait si considérable, de deux anecdotes du
moine de Saint-Gall, dont les récits ne font pas toujours foi en histoire
ni de deux actes de Lothaire et de Carloman, qui se rapportent
à une époque de désordre, où il ne faut plus chercher les saines
maximes du gouvernement carlovingien. Encore, moins fallait-il
s’appuyer des formules respectueuses dont les évêques des Gaules
usèrent quelquefois envers le grand roi qui fut leur bienfaiteur.
Toute l’argumentation de M. Guizot, ordinairement si grave et si
fondée, n’a pas ici d’autres bases.