Page:Ozanam - Œuvres complètes, 3e éd, tome 4.djvu/286

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pénétrer dans les mœurs des peuples. Autour des siéges épiscopaux, se multipliaient les églises paroissiales, qui portaient les mêmes idées soutenues des mêmes institutions, sur tous les points d’une contrée livrée, depuis tant de siècles, a l’ignorance et à la loi du plus fort. Ainsi-la guerre de Saxe, un moment compromise par l’erreur du pouvoir temporel, semblait se justifier par ses résultats, et, comme toutes les guerres saintes, elle avait servi la civilisation. Et cependant la conscience du vainqueur n’eût pas été en repos s’il lui eût été permis de voir la suite de son ouvrage et ce qui devait paraître sept cents ans après, quand la réforme éclata. La foi romaine, restée maîtresse des populations d’origine franque et bavaroise, où elle s’était établie par la seule puissance de la parole et de la charité, fut trahie par les descendants des tribus saxonnes que les soldats de Charlemagne avaient cru soumettre. Et qui sait si Luther, le fils du mineur d’Eisleben, ne sortit pas du sang de quelqu’un de ces quatre mille cinq cents vaincus massacrés à Verden[1] ?

  1. Capit. 788, pour l’érection de l’évéché de Brème : « Noverint omnes Christi fideles quod Saxones, quos a progenitoribus nostris ob suae pertinaciam perfidiae semper indomabiles, ipsique Deo et nobis tamdiu rebelles. pristinae libertati donatos, pro amore illius qui nobis victoriam contutit, ipsi tributarios et subjugales devote addiximus. Proinde, omnem terram eorum, antique Romanorum more, in provinciam redigentes. » Ce souvenir des Romains est bien digne de remarque. Charlemagne acheva la réduction de la Germanie en province romaine, c’est-à-dire le dessein vainement poursuivi par Auguste, Marc-Aurèle et Probus.