Page:Ozanam - Œuvres complètes, 3e éd, tome 4.djvu/301

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abbayes incendiées, vidaient ensemble la coupe du dieu Thor. Pendant deux siècles, ces victoires de la barbarie ne troublèrent pas seulement la paix, elles menacèrent la foi des peuples chaque invasion des Normands jetait comme un flot de plus, et, si je puis le dire, comme un limon sur ces contrées, où les germes mal étouffés du paganisme ne demandaient qu’à repousser. C’est ce qui parut surtout en Angleterre. La conquête danoise avait changé à ce point les mœurs de l’île des Saints, qu’il fallut tout l’effort de la législation de Canut le Grand pour réprimer l’idolâtrie naissante. En France même, on vit des familles, où le vieux sang barbare n’avait rien perdu de sa violence, déserter la cause du christianisme, s’attacher à la vie aventureuse des hommes du Nord, et, par exemple, le fils d’un paysan des environs de Troyes devenir le célèbre Hasting, le plus terrible des chefs normands, et,. s’il faut en croire les contemporains, « le plus mauvais homme qui jamais naquit. » Enhardi par le pillage des côtes d’Espagne et de Mauritanie, Hasting avait juré de saccager Rome, et de donner l’avoine à ses chevaux sur l’autel de saint Pierre[1]. A des menaces si formidables, le christianisme ne pouvait plus opposer l’épée émoussée des Car(1)

  1. Monachus Sangallensis, de Rebus Caroli Magni, II, 22 Annales Fuldenses, ad ann. 880. Vita S. Liudgeri. Dietmar de Merseburg, 1, 9. Adam. Bremensis. Depping, Histoire des Expéditions des Normands.