Page:Ozanam - Œuvres complètes, 3e éd, tome 4.djvu/60

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cause de cet héroïsme qui lui soumit tant de ;si vous ne détestez point en lui le perturbateur des nations, plusieurs loueront aussi le temps présent, vanteront les vainqueurs, et tiendront nos malheurs pour .des bienfaits. Mais on dira «Les barbares sont les ennemis de l’Etat. » Je répondrai que tout l’Orient pensait de même d’Alexandre et les Romains ne parurent pas meilleurs aux peuples ignorés dont ils allèrent troubler le repos. « Mais, dites-vous, les Grecs établissaient des empires : les Germains les renversent. » Autres sont les ravages de la guerre, autres les conseils qui suivent la victoire. Les Macédoniens commencèrent par dompter les peuples qu’ils policèrent ensuite. Les Germains bouleversent maintenant toute la terre ; mais si (ce qu’à Dieu ne plaise !) ils finissaient par en demeurer maîtres et par la gouverner selon leurs mœurs, peut-être un jour la postérité saluerait elle du titre de grands rois ceux en qui nous ne savons encore voir que des ennemis[1] . Tout le génie chrétien est dans ce passage ; et la restriction même qu’on y surprend est admirable comme le dernier cri du patriotisme antique qui ne peut se contenir, mais qui ne se refuse pas aux nouveaux desseins de Dieu sur l’univers. La lumière se fait, et, du milieu des invasions, on voit sortir

  1. Paul Orose, lib.III; cf. lib. VII.