Page:Ozanam - Œuvres complètes, 3e éd, tome 5.djvu/23

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Si les chrétiens des catacombes trouvaient le temps de peindre leurs chapelles, ils ne pouvaient abandonner les tombeaux de leurs morts sans y laisser au moins quelque signe de reconnaissance, quelque trace de leur deuil et de leur piété. La sculpture chrétienne y commence par des hiéroglyphes, par des figures ébauchées, sans proportion, sans grâce, sans autre valeur que la pensée qu’elles représentent. Une feuille exprime la fragilité de la vie ; une barque à la voile, la rapidité de nos jours ; la colombe portant le rameau annonce les approches d’un monde meilleur ; le poisson rappelle les eaux baptismales, en même temps que le mot grec qui le désigne rassemble dans une anagramme mystérieuse les titres augustes du Fils de Dieu sauveur. Sur une sépulture où l’on ne lit point de nom, on voit un poisson et les cinq pains de la multiplication miraculeuse on comprend qu’ici repose un homme qui a cru dans le Christ, que le baptême a régénéré, et qui a pris part au banquet eucharistique[1]. À mesure que le paganisme se retire, le

    lien, qui venait de mettre sa fougueuse parole au service de l’hérésie, reprochait aux catholiques de profaner cette parabole, de la peindre jusque sur les coupes de leurs banquets. « Le Christ, disait-il, ne sauve que les brebis ; il est sans pitié pour les boucs.» (De Pudicit. cap. VIII, X, XIII.) L’Église répondit à cette doctrine désespérante en mettant un chevreau sur les épaules du Pasteur éternel. Pour que personne ne s’y méprenne, S. Eucher, au cinquième siècle, déclare que les brebis figurent les justes, et les chevreaux les pécheurs. (Liber formularum spiritualis intelligentiae.)

  1. Ces explications n’ont rien d’arbitraire, elles sont empruntées de l’antiquité chrétienne. Cf. Clément d’Alexandrie, Paedagog. III