Page:Ozanam - Œuvres complètes, 3e éd, tome 5.djvu/26

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de langue et de prosodie, je prends pour ainsi dire sur le fait les ignorants qui les ont tracées, et je reconnais les mères plébéiennes, les pères esclaves, gravant furtivement leur douleur et leur espérance sur la pierre devant laquelle ils reviendront s’agenouiller. Les persécuteurs, les vrais Romains, quand ils descendaient dans ces cimetières, devaient dédaigneusement sourire et hausser les épaules, à la lecture des épitaphes de ces misérables qui ne savaient pas écrire et qui prétendaient instruire le monde. Et voici cependant ce qui se préparait. L’antique civilisation romaine touchait à sa ruine ; et en même temps Rome allait voir sortir de ces souterrains dont elle était minée, de cette société chrétienne qu’elle avait traitée en ennemie, toute une civilisation, par conséquent toute une poésie nouvelle.

Pendant que les murailles de la ville éternelle s’ébranlent sous les béliers, et que les Goths et les Vandales entrent par la brèche pendant que les barbares enlèvent jusqu’aux toitures de plomb et jusqu’aux portes d’airain ; au moment où il semble que tout soit perdu, les sépultures sacrées des catacombes soulèvent pour ainsi dire le sol, et produisent ces admirables basiliques de Saint-Paul, de Sainte-Marie-Majeure, et tant d’autres qui, du quatrième au treizième siècle, recueillirent, réunirent et sauvèrent tous les arts. Au lieu de la poésie des écoles, il y eut une poésie des monuments.