Page:Ozanam - Œuvres complètes, 3e éd, tome 5.djvu/39

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autant que Dante ; il le devançait, on peut croire qu’il l’inspira.

Dante trouvait derrière lui ces exemples. Il y trouvait aussi les innombrables visions du monde invisible qui remplissaient les légendes italiennes, et dont j’ai eu lieu de dérouler ailleurs le tableau.[1] Il eut l’heureuse témérité de traiter ce sujet populaire, et de le traiter dans la langue populaire. Il en eut le mérite, car la tentation contraire ne lui manqua pas. Ravi des beautés de l’Enéide, qu’il savait par cœur, il s’était proposé d’écrire son poëme dans la langue et dans le mètre de Virgile ; et il commença en ces termes :

Ultima regna canam fluido contermina mundo.

Mais à mesure qu’il avançait dans son œuvre et dans la vie, il fut saisi d’un profond mépris pour les lettrés de son temps, qui se vendaient aux princes, et qui n’avaient des lyres, dit-il, qu’afin de les’. donner à loyer. Il refusa d’écrire pour eux, et se déclara en faveur de la langue vulgaire, puisqu’il lui devait deux naissances, l’une temporelle, l’autre spirituelle « car c’est elle, continue-t-il, qui rapprocha mes parents, c’est elle qui m’introduisit à l’étude du latin, et par là au reste des connaissances humaines. » « À la honte éternelle de ceux

  1. Recherches sur les Sources poétiques de la Divine Comédie, à la fin de ce volume, comme introduction au volume suivant Dante et la philosophie catholique au treizième siècle.