Page:Ozanam - Œuvres complètes, 3e éd, tome 5.djvu/90

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d’environ cinq cents vers. Cependant, si le serviteur de Dieu attendit jusqu’à la dix-huitième année de sa conversion pour laisser déborder son âme et pour dicter ses chants, on ne doit plus être surpris de leur petit nombre. Saint François ne vécut plus que deux ans : il les vécut abandonné à des ravissements d’esprit et à des souffrances de corps qui n’avaient plus d’expression dans les langues humaines. Enfin, le 4 octobre de l’année 1226, il entra en agonie, et, après s’être fait chanter encore une fois le Cantique du Soleil, il rendit le dernier soupir. Mais c’est le privilége des saints et des poëtes, que la mort ouvre pour eux, même sur la terre, une nouvelle vie. Pendant qu’on les pleure, ces morts glorieux commencent à agiter le monde leurs paroles et leurs exemples vont de siècle en siècle leur susciter des disciples, des interprètes et des imitateurs de sorte que, pour être juste avec eux, il faut leur compter, non-seulement les œuvres qu’ils laissèrent, mais celles qu’ils ont inspirées.

La mission poétique de saint François, cachée pour ainsi dire par les autres soins de sa vie, -n’eut jamais plus d’éclat que dans le siècle qui suivit sa mort. Lui-même s’était choisi sa sépulture sur une colline à l’orient d’Assise, où se faisaient les exécutions criminelles, et qu’on nommait la colline de l’Enfer. Mais à peine l’eut-on déposé dans le tombeau, qu’on y sentit je ne sais quoi de puissant qui remuait pour ainsi dire la terre et qui sollicitait les