Page:Ozanam - Œuvres complètes, 3e éd, tome 7.djvu/113

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subir la loi commune. Ne voyez-vous pas sur la terre d’Allemagne ce fantôme du panthéisme surgir à la lueur de la lampe qui éclaira les méditations de Kant, de Fichte et de Schelling ? Ne l’avez-vous pas vu poindre en France dans les savants travaux des disciples de Hegel, et se montrer sans voile et sans nuages dans les prestigieuses théories des fils de Saint-Simon ? En même temps le fatalisme s’est emparé de la politique et de l’histoire et l’égoïsme, faisant l’homme déshérité de ses croyances maître absolu de sa vie, lui a remis dans une main la coupe des orgies, et dans l’autre le glaive du suicide. Donc les doctrines rationalistes qui se glorifiaient de recéler en elles le principe générateur du progrès, et de conduire l’humanité à ses fins immortelles, demeurent circonscrites elles-mêmes dans un cercle qu’il leur est interdit de franchir, pareilles à ces âmes coupables que le poëte florentin vit aux enfers, tournant sans relâche dans une zone ténébreuse et désolée.

Heureusement la société a une longue mémoire, elle se souvient des pas et des sueurs qu’elle a perdus en suivant de semblables guides ; elle se souvient de l’abîme qui l’attend au bout du chemin ; elle se souvient de sa dignité, et commence à comprendre que sa nature est trop grande pour être expliquée, et ses désirs trop vastes pour être satisfaits par l’enseignement de quelques hommes. Elle ne veut ni du panthéisme ni de l’égoïsme