Page:Ozanam - Œuvres complètes, 3e éd, tome 7.djvu/222

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dans la société séculière, elle la façonnait à son image, elle y faisait descendre par tous les degrés et jusqu’aux derniers rangs ces deux lois de liberté et de fraternité dont elle voulait le règne.

Au sommet de la société laïque et au sein même de cette aristocratie belliqueuse, issue des conquérants barbares et encore tout agitée de leurs passions, la législation féodale avait tenté de concilier les droits de la personne et ceux de la communauté en soumettant la propriété territoriale à des conditions que l’antiquité ne connaissait pas. Le fief n’est plus le domaine absolu des jurisconsultes romains, le droit d’user, de jouir, de disposer sans réserve. Le fief n’est que le domaine utile, c’est-à-dire le droit de jouir et de transmettre, à la charge d’acquitter un certain nombre de services d’argent et de services de guerre. Le seigneur suzerain, et par lui la société dont il est le chef, conservent le domaine éminent, le droit de reprendre le fief, sur le vassal infidèle ou incapable d’acquitter les charges. De là cette prétention des rois longtemps soutenue par la complaisance des légistes, qu’en droit le prince et par conséquent l’État est le seul propriétaire, encore qu’il lui plaise d’octroyer aux sujets l’usufruit de ce qu’ils nomment leurs biens. Mais la loi repoussait cette interprétation exorbitante ; elle ne tolérait pas que le feudataire fût dépouillé de son fief sans le jugement de ses pairs. Et le baron qui venait de payer sa dette sur le