Page:Ozanam - Œuvres complètes, 3e éd, tome 7.djvu/442

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pressaient de brillants courages, des âmes ardentes, tout ce que la réforme avait laissé survivre de caractères chevaleresques, tout ce que la Renaissance avait suscité d’esprits ingénieux et ornés : en même temps un amour effréné de la gloire et du plaisir, la témérité de l’âge, la corruption des mœurs et les autres vices dorés qui hantent les palais. Ce parti avide de pouvoir, mais plus encore de faveur, qui n’avait point su se rendre nécessaire au pays, mais dont la reine n’aurait su se passer, marchait sous les auspices de Robert Devereux, comte d’Essex. Le comte d’Essex, beau-fils du célèbre Leicester, était un noble et généreux jeune homme ; il avait captivé tout à la fois avec un rare bonheur les bonnes grâces de la reine et l’amour du peuple, et parcourant rapidement la route épineuse des hautes dignités de l’État, il était devenu grand maréchal du royaume[1].

Entre ces deux factions rivales, il fallait que Bacon choisît. Il se sentit d’abord entraîné vers la première, soit par des affinités morales, soit par des liens de parenté qui l’unissaient au trésorier Burleigh, et lui faisaient espérer en la personne de celui-ci un protecteur naturel[2]. Après un accueil froid et de longues et inutiles sollicitations, Bacon crut devoir chercher la fortune sous une autre bannière, celle du comte d’Essex. Il lui ap -

  1. Lingard, tome VIII ; de Vauxelles, Histoire de Bacon, tome 1.
  2. Lettre de Fr. Bacon à lord Burleigh, 1591.