Page:Ozanam - Œuvres complètes, 3e éd, tome 7.djvu/63

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poétique des femmes ajoutait à la vaillance castillane la bonne grâce et la délicatesse. Il introduisait sinon dans toutes les âmes, au moins dans le langage et dans les mœurs, ces beaux sentiments qui firent de la société espagnole une école d’honneur et de courtoisie, et qui passèrent les Pyrénées avec Anne d’Autriche pour donner le dernier poli à la société française. Mais surtout le quinzième siècle, en s’appliquant à reproduire les rhythmes des Italiens et des Provençaux, en poussant jusqu’à l’excès la ciselure du vers et de la stance, faisait subir un travail nécessaire à la rude langue du Cid. Cette poésie, qui s’était contentée de mesures incorrectes et d’assonances faciles, devait s’assouplir et se montrer capable de la dernière précision et de la plus exquise mélodie. Il fallait qu’elle passât par un long apprentissage avant d’arriver au moment où Caldéron, retrouvant l’inspiration des plus beaux temps chrétiens, lui donnerait tout le prestige d’un langage étincelant et musical, intraduisible pour nous, éternellement enchanteur pour l’oreille des Espagnols. Il fallait enfin ce coup d’œil rapide sur la cour lettrée de Juan II, pour faire une intelligente visite à son tombeau. La renaissance castillane peut maintenant dérouler devant nous ses merveilles de sculpture nous savons quel souffle a fait fleurir le marbre et la pierre.

Tout en devisant, nous venons de franchir le por-