Page:Ozanam - Œuvres complètes, 3e éd, tome 7.djvu/88

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Il ne faut point hausser les épaules à ces bonnes gens, ni s’emporter contre la superstition du peuple espagnol les Espagnols, parce qu’ils sont hommes, aiment les dévotions qui tombent sous les sens. Ils ont un culte familier pour la Vierge et les saints ; mais leur piété la plus ardente s’attache à ce qu’il y a de plus immatériel dans le christianisme, c’est-à-dire le sacrifice du Christ. De là ce grand nombre d’hommes, soldats, paysans, gens de métier, gens de loisir, qui entendaient ta messe aux jours d’oeuvre dans la cathédrale de Burgos. De là aussi la foule qui se pressait dans la chapelle du Crucifix. Ce crucifix (el santisimo Cristo de Burgos) a sans doute une histoire toute miraculeuse. On le tenait pour un ouvrage du disciple Nicodème et d’un bois dont la plante ne croissait pas sur la terre. On ajoutait qu’après des vicissitudes inconnues, les vents avaient poussé la sainte image, des bords de la Palestine dans le golfe de Biscaye, où un marchand de Burgos la trouva flottante sur les eaux. La tradition lui attribuait beaucoup de prodiges, dont voici le plus touchant. On avait placé sur la tête du Christ une couronne d’or, mais cette tête sainte la secoua, ne voulant être couronnée que d’épines, et le riche diadème resta à ses pieds. Assurément un tel récit ne peut inspirer que de saintes pensées, et il me semble que devant ce crucifix, au milieu de cette multitude recueillie, mes lèvres répètent d’elles-mêmes deux stances