Page:Péguy - De la situation faite au parti intellectuel dans le monde moderne, 1906.djvu/10

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ses anciens enfants. Elle a pour eux les sentiments d’une sorte d’ancienne et honoraire maternité. Une maternité un peu sèche, les maternités lactées ayant toujours comme une arrière-pensée païenne. Ainsi elle est liée à eux, elle demeure attachée à eux par une sorte d’entente secrète, une qualité particulière, unique, rare, d’ancienne intelligence conservée, aromateuse, essentielle, un peu capiteuse, une connivence, d’encens, de sacristie, de tabernacle, d’armoire et ensemble d’autel, de linge blanc frais pur et de pauvre vieille dentelle jaunie, de vieille armoire de grande famille, un commun souvenir qui va de la commodité mobilière et usagère du sacristain jusqu’à la divine autorité du prêtre, une collusion, une entente particulière par-dessus la tête du public, du vulgaire, des tiers, particulièrement par-dessus la tête de ceux qui sont les plus vulgaires de tous ces tiers, et qui certainement n’y comprennent plus rien du tout, par-dessus la tête de ceux qui se sont faits hautement les partisans, les protecteurs, les intronisateurs improvisés du déporté dans sa nouvelle religion.

À quel point l’Église a ménagé Renan, j’entends naturellement la vraie Église, la seule qui soit qualifiée, la hiérarchie ecclésiastique, pontificale, épiscopale, sacerdotale, enfin la seule qui soit autorisée, et non point naturellement toutes ces bandes démagogiques de journalistes cléricaux, qui sont encore pire, s’il était possible, que les bandes symétriquement démagogiques des journalistes anticléricaux et aujourd’hui anticatholiques, — à quel point la seule vraie Église a ménagé Renan, la sortie de Renan, l’évacuation de Renan, la transition et l’aménagement de Renan, les premiers pas