Page:Péguy - Les Mystères de Jeanne d’Arc, volume 3.djvu/30

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le mystère

bourgeon d'avril, et de cette sève qui pleure en mai, et de la ouate et du coton de ce fin bourgeon blanc qui est vêtu, qui est chaudement, qui est tendrement protégé d'un flocon d'une toison d'une laine végétale, d'une laine d'arbre. En ce flocon cotonneux est le secret de toute vie. La rude écorce a l'air d'une cuirasse, en comparaison de ce tendre bourgeon. Mais la rude écorce n'est rien, que du bourgeon durci, que du bourgeon vieilli. Et c'est pour cela que le tendre bourgeon perce toujours, jaillit* toujours dessous la dure écorce.

L'homme de guerre le plus dur a été un tendre enfant nourri de lait ; et le plus rude martyr, le martyr le plus dur sur le chevalet, le martyr à la plus rude écorce, à la plus rugueuse peau, le martyr le plus dur à la serre et à l'onglet a été un tendre enfant laiteux.

Sans ce bourgeon, qui n'a l'air de rien, qui ne semble rien, tout cela ne serait que du bois mort.

Et le bois mort sera jeté au feu.

��Ce qui vous trompe, c'est que cette rude écorce vous écorche les mains ; et ni de l'épaule vous ne faites bouger le tronc d'un millième de millimètre, ni du pied vous ne pouvez faire bouger une de ces grosses racines d'un millième d» millimètre ; ni de la main une seule de ces grosses branches ; et c'est à peine si vous ébranleriez quelques-unes de ces petites branches ; et si vous les feriez balancer ;

au lieu que le bourgeon ne résiste point sous le doigt et

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