Page:Pérochon - Les Creux de maisons.djvu/125

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prirent pas racine ou se desséchèrent peu à peu ; le maïs, à peine né, fut roussi.

Les gens se désolaient ; ils guettaient les nuages, sondaient l’horizon pâle, suivaient de l’œil la moindre fumée.

Deux ou trois fois, des flocons très hauts et très blancs, semblables à de la laine bien cardée, cachèrent le soleil ; à ces moments-là, on criait d’un champ à l’autre :

— Cette fois, ça y est ! le temps est cailleboté ; la belle nuée est sur le soleil, il y a du changement !

Mais la belle nuée s’en allait doucement comme une lente troupe d’oiseaux sauvages, et bientôt on la voyait massée en un tout petit coin du ciel.

On fit des prières. Les prêtres consentirent à mener au pied des calvaires des processions chantantes — qui soulevaient toujours la même poussière jaune. Et comme tout cela n’amenait pas l’eau, des femmes imaginèrent d’aller prier au pied des arbres qui abritent les sources ; elles partaient le soir, par groupes de trois ou de sept, et elles allaient, dans l’ombre recueillie, offrir leurs formules chrétiennes aux vagues divinités des branches et du vent.

Le temps des moissons vint et passa sans que l’on vît l’eau ; quelques coups de tonnerre se firent entendre, mais la nuée ne creva jamais. L’orage, même avec de la grêle, eût été le bienvenu : tout, plutôt que ce ciel trop bleu et ce soleil trop blanc qui buvait l’eau des mares. Les ruisseaux étaient secs ; les fontaines et les puits baissaient ; les menues sources épaisses dans les prés bas, celles qui jaillissent au revers des talus