Page:Pérochon - Les Creux de maisons.djvu/19

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tombaient à une béatitude douce, car ils étaient fatigués et avaient sommeil. Ils allaient se quitter tout à l’heure et ils en souffraient un peu, la longue camaraderie du service ayant noué entre eux des liens assez forts. Ils firent quelques projets, espérèrent se rencontrer aux foires d’hiver.

Ils avaient éteint la lampe, car le jour était tout à fait venu. Ils causaient maintenant tranquillement, juraient sans fracas. Leur idée revenait doucement aux choses de la terre, et, comme ils n’avaient pas de mots tout prêts pour ces choses, les phrases anciennes, les tournures lentes remontaient une à une à leurs lèvres. Ils en avaient ri tout d’abord, mais ce leur était tout de même d’une grande douceur. Ils songeaient que, bientôt, ce serait le contraire : pour raconter leurs bons tours de caserne, ils parleraient à la mode des villes, aux grandes veillées où vont les filles ; ils seraient fiers d’être écoutés. Et au fond d’eux-mêmes, bien qu’ils fussent de race taciturne, ils se réjouissaient d’en avoir pour longtemps à exagérer.

Vers huit heures, ils se levèrent. Séverin avait encore un long chemin à faire, car il allait au moulin de la Petite-Rue, dans la commune de Coutigny, par delà Clazay ; les trois autres s’en allaient ensemble dans la direction opposée par la route de Saint-Porchaire.

Ils se dirent au revoir en patois.

Séverin sortit rapidement de la ville. Le temps menaçait. Au-dessous des nuages noirâtres, de petites