Page:Pérochon - Les Creux de maisons.djvu/247

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Mais une voix suppliante se fit entendre.

— Papa ! papa ! disait Bas-Bleu ; viens ici ! Il hésita une seconde, puis il reprit ses sabots et s’approcha du lit. La malade s’était redressée sur un coude ; elle le prit par le cou et l’attira vers elle.

— D’où viens-tu ? dit-elle tout bas ; tu viens sans doute de retourner le chapon ?

Il répondit tout bas aussi :

— Oui.

Elle l’attira plus près encore :

— Père, si j’avais su, je n’aurais pas demandé de soupe à la poule ; maintenant je n’en veux plus. Écoute, il ne faut pas se faire de chagrin ; les drôles n’ont rien entendu. Et moi je te remercie, oh ! je te remercie beaucoup ! tu m’aimes bien, toi, père !… Séverin, étranglé, ne put pas répondre ; il baisa les yeux de sa fille, les grands yeux qui mangeaient la pauvre figure blanche ; puis il se laissa choir encore une fois sur une chaise à côté du lit.

Il vit à ce moment que la Bernoude se levait et s’approchait de lui. Quand elle fut tout près, elle lui mit une main sur l’épaule et se pencha pour l’embrasser. Elle pleurait encore ; mais comme elle avait eu le temps de songer aux paroles si dures qu’elle avait dites à son gendre, ce fut avec un accent d’infinie pitié qu’elle murmura :

— T’es bien malheureux, mon pauv’gars ! t’es bien malheureux !

Alors il pleura. De sa poitrine profonde, des sanglots montèrent comme de grosses bulles et crevèrent. Et il pleura comme il n’avait jamais pleuré de sa vie ;