Page:Pérochon - Les Creux de maisons.djvu/251

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une voix fraîche qui devait être la voix d’une femme toute jeune, rieuse et très étourdie. Cette voix disait au monsieur qui avait parlé :

— Te voilà bien renseigné ! il est fou, ce vieux !

Vieux ! il n’était pas vieux ; il avait quarante-huit ans. Elle avait dit cela, cette petite dame, à cause de la posture qui lui faisait le dos rond.

Quand il était debout il était droit comme un jeune et sa force était encore grande. Il tenait de son défunt père une résistance incroyable au mal et à la peine. Bien qu’il eût eu parfois ses misères comme les autres, il ne s’était jamais plaint ; il n’avait jamais un seul jour abandonné le travail ; et cela n’avait pas empêché les siens de souffrir de la faim.

Non, son corps n’était pas vieux ; c’était son âme qui était vieille et bien malade.

Auguste, le matin, lui avait dit par amitié :

— Allons, Séverin, prends courage ! ton plus mauvais temps est passé !

C’est vrai qu’il avait des chances maintenant de vivre plus à l’aise. Les républicains, qui l’amignonnaient depuis qu’il n’était pas fou de messe, lui avaient expliqué tout ce que ceux de leur idée avaient fait et comptaient faire pour les pauvres. Jusqu’à présent, les bonnes lois avaient surtout profité aux pauvres des villes, mais ceux des champs allaient avoir leur tour. Il était même question de leur donner des retraites comme aux gendarmes et aux employés.

De plus, les gages montaient. Beaucoup de valets avaient en effet quitté le Bocage. Et ceux qui étaient partis ainsi pour le pays de Charente ou pour la ville,