Page:Pérochon - Les Creux de maisons.djvu/42

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il n’en croyait pas grand’chose. Le moulin tournait toujours joliment, et le Guste avait toujours de l’argent en poche pour faire une partie le dimanche entre messe et vêpres. Jamais la fille de cette maison n’écouterait sérieusement un valet qui avait cherché du pain !

Il la sentait toute fraîche de cœur, et il était trop fier pour songer à abuser de cette fraîcheur. Depuis le baiser rapide pris dans l’écurie le premier soir, il n’avait risqué aucune galanterie, même pas celles qu’il se permettait couramment avec les filles.

Il s’approuvait cruellement d’être honnête. Il s’était dit avec violence : cette fille est trop riche pour moi qui suis un gars de rien ; je n’y penserai plus.

Il y pensait toujours…

Il portait son image en lui comme une joie mélancolique — comme un remords aussi quand son désir était allé vers d’autres. Et c’est pourquoi, maintenant, il avait honte et ne pouvait pas répondre.

Delphine vit que, sans y penser, elle avait touché juste. Elle jeta ses dernières pommes de terre, enleva son tablier en toile brune et rentra pour faire chauffer la soupe. Puis elle servit le valet, qui mangeait tout seul à son retour des tournées.

Et elle ne parlait pas, à cause du tremblement qu’elle sentait en elle.