Page:Pérochon - Les Creux de maisons.djvu/83

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Les filles voulurent chanter la « chanson de la mariée », une très vieille cantilène où des bachelières font reproche à leur compagne de les quitter pour un mari sans doute volage et méchant ; elles vinrent se placer devant Delphine pour chanter ensemble. Mais le tapage augmentait ; Calloux, du fond de sa grande poitrine bourdonnante, lança pour la dixième fois le refrain de la noce et un souffle d’ivresse dispersa les voix grêles des filles. Dépitées, elles s’en retournèrent à leur place, à la grande joie de Delphine, que cela agaçait d’être ainsi regardée.

Gustinet expliquait de loin à Séverin et à Auguste l’histoire du café-chantant.

Il y avait un lieutenant qui était un chic type, pas fier, un de la haute pourtant, un monsieur « de… » ; il ne se rappelait plus le nom. Lui, Gustinet, était son ordonnance. Et un soir, le monsieur « de… » lui avait dit comme ça :

— Tu vas trotter au treize dans la rue Basse ; tu y trouveras des femmes. Tu n’as pas peur des femmes, au moins, espèce d’infirme ? La plus grande s’appelle Faisannette ; tu me l’amèneras. Entends-moi bien : tu me l’amèneras au beuglant Patouillaud, où je t’attendrai. Va !… Eh ! dis donc ! avait encore ajouté le monsieur « de… », essaye seulement de la chahuter, cette môme, et tu verras !

Il était donc allé au treize. Des femmes très gaies l’avaient fait asseoir. Faisannette était là ; il l’avait emmenée, lui, Gustinet, et il l’avait blaguée en l’emmenant ; une chouette femelle, allez ! Le lieutenant avait été content.