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Tous les habitans d’un pays ont les mêmes droits ; mais les chartres, en annulant des droits à l’égard

    Tandis que la guerre duroit encore, sur la fin de l’année 1780, j’avois formé le projet d’aller en angleterre. J’en fis part au général greene, qui étoit alors à philadelphie, d’où il continuoit sa marche vers le sud, le général Washington étant trop éloigné pour qu’il me fût possible de communiquer directement avec lui. J’étois fortement prévenu de l’idée, que si je pouvois aller en angleterre, sans être connu, & y demeurer en sûreté, jusqu’à ce que j’eusse fait paroître un ouvrage de ma composition, je dessillerois les yeux de la nation sur la démence & la stupidité de son gouvernement. Je croyois que les attaques mutuelles des partis qui divisoient le parlement, avoient été aussi loin qu’elles pouvoient aller, & qu’ils n’avoient plus rien de nouveau à se dire. Le général greene entra parfaitement dans mes vues ; mais l’affaire d’arnold & d’andré étant survenue peu-après, il changea d’avis, & craignant beaucoup pour ma sûreté, il m’écrivit d’une manière fort pressante, d’anapolis dans le maryland, d’abandonner ce projet ; & je suivis ce conseil, non sans quelque répugnance. Peu de temps après, j’accompagnai, avec une mission du congrès, le colonel lawrens, fils de m. laurens, qui étoit alors prisonnier dans la tour de londres. Nous débarquâmes à lorient ; le colonel prit les devans ; je restai dans cette ville, & pendant que j’y étois, il survint un événement qui réveilla mon ancien projet. On amena à lorient un paquebot anglais, qui alloit de falmouth à new-yorck, ayant à bord des dépêches du gouvernement. Ce n’est pas une chose extraordinaire que la prise du paquebot ; mais on aura peine à croire qu’on se soit en même-tems emparé des dépêches, puisqu’elles sont toujours attachées, hors des croisées de la cabine, dans un sac rempli de boulets, & prêt à être jeté dans la mer. Le fait est néanmoins tel que je le raconte, car les dépêches me tombèrent entre les mains, & j’en pris lecture. On me dit que le stratagème, que je vais rapporter, avoit fait réussir sa prise. Le capitaine du corsaire la madame ; parloit anglais. Ayant rencontré le paquebot, il fit route avec lui, se donnant pour le capitaine d’une frégate anglaise, & il invita celui du paquebot à monter sur son bord. Celui-ci s’étant rendu à son invitation, il n’eut que la peine d’envoyer quelques-uns de ses gens qui s’assurèrent de la malle. Mais de quelque manière que la chose se soit passée, je parle avec certitude de ce qui regarde les dépêches du gouvernement. Elles furent en-