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Page:Palante - La Sensibilité individualiste, Alcan, 1909.djvu/93

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Nietzsche combat comme Stirner contre les valeurs empruntées ou imposées. « Nos mesures de valeur sont propres ou empruntées, mais ces dernières restent de beaucoup les plus nombreuses. Pourquoi donc les acceptons-nous ? Par crainte, par timidité à l’égard de ceux qui ont formé ou plutôt déformé notre enfance. » — Il partage l’effroi de Stirner devant la tyrannie du royaume de l’esprit et la « coagulation » possible de ses pensers inquiets. « Contre nos convictions trop despotiques, dit-il, nous devons être traîtres avec délices et pratiquer l’infidélité d’un cœur léger… Soyons à cet effet des « boules de neige pensantes » sans cesse accrues et fondues tour à tour dans leur mouvement sur le terrain des idées… » Et quand Nietzsche croit avoir enfin secoué le joug de l’idée, on sait le lyrisme enflammé de son chant de délivrance.

Essayons maintenant de préciser brièvement les différences qui séparent les deux immoralismes.

L’immoralisme du premier genre est plutôt une thèse psychologique qu’une théorie éthique. Cette thèse est la conclusion d’une enquête menée par des psychologues, par des historiens, par des analystes de la nature humaine qui ont cru constater le peu d’action des idées morales sur la conduite des individus et sur la vie des peuples. L’immoralisme ainsi entendu est une attitude de pur intellectuel qui se