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l’antinomie économique

dangereux ! Les « individus dangereux » fourmillent ! Et derrière eux, il y a le danger des dangers, l’individuum[1] ! » Le sentiment du bien être prédomine dans ces situations ; bien-être misérable et servile qui détache l’individu des aspirations élevées, de tout instinct de grandeur, de tout désir d’indépendance et d’affirmation de soi. L’idéal humain comporte seulement ces qualités de travailleur morne et de salarié satisfait. Le pli professionnel efface l’originalité individuelle. La morale professionnelle résout le problème suivant posé par Nietzsche : « J’essaie une justification économique de la vertu. — Le problème, c’est de rendre l’homme aussi utilisable que possible et de le rapprocher, autant que faire se peut, de la machine infaillible : pour cela, il faut l’armer des vertus de la machine ; il faut qu’il apprenne à considérer les conditions où il travaille d’une façon machinale et utile comme les plus précieuses : pour cela il est nécessaire qu’on le dégoûte, autant que possible, des autres conditions, qu’elles lui soient présentées comme dangereuses et décriées. — Ici la pierre d’achoppement est l’ennui, l’uniformité qu’apporte avec elle toute activité mécanique. Apprendre à supporter l’ennui — et non seulement à le supporter, — apprendre à le voir entouré d’un charme supérieur ; c’est ce qui fut

  1. Nietzsche, Aurore, § 173.