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Au-dessus des Mansions, et sur le dernier plan, s’élevait un grand berceau construit solidement, et dont les parois concentriques formaient une double ou triple rangée de gradins en retrait. C’était le paradis. Sur les gradins étaient disposés les attributs vivants de la Divinité, puis des guirlandes d’anges peints ou réels. Dieu en trinité était assis au milieu d’eux sur un trône magnifique. Cette partie de la décoration générale était ordinairement très-somptueuse, et vous vous souvenez de ce Maître des Œuvres qui disait en montrant ce qu’il avait fait : Regardez, voici bien le plus beau paradis que vous vîtes ou que vous verrez jamais. Telles étaient donc les différences de l’ancienne disposition scénique avec la nouvelle.

L’enfer et le paradis s’ouvraient et se fermaient ; on ne peut en douter : nous croyons, bien que nous n’en ayions pas encore trouvé les preuves matérielles, que la plupart des mansions se fermaient également, dès que l’action passait d’un lieu dans un autre. Au moins est-il certain que, dans le jeu de la Passion, des personnages vont frapper à une porte, comme les tyrans chez Hédroit, les docteurs chez Pilate et saint Pierre chez Caïphe ; on les fait attendre avant d’ouvrir ; on les engage à entrer et l’on referme « l’huis » sur eux. Or, si quelques maisons s’ouvraient et se fermaient, pourquoi les autres seraient-elles constamment restées ouvertes ? Après tout il suffisait qu’une salle fût privée d’acteurs, pour que le regard du public attiré sur un autre point n’eût plus à s’en préoccuper.

Il y a de l’incertitude sur ce que devenaient les personnages dont le rôle était interrompu. Mais il faut remarquer que l’obligation de suivre l’action dans tous ses détails faisait trouver une raison à l’éloignement de chacun d’eux. Jésus partait de Béthanie pour Jérusalem, il rencontrait un endroit ferme qui le dérobait à la vue ; dans la campagne, une montagne lui permettait de s’arrêter sur le versant opposé. Pendant cette disparition momentanée, d’autres personnages sortaient de leur logis ou de l’une des extrémités de la Galerie, pour occuper la scène. Chacun d’eux, après être convenablement sorti, pouvait aller s’asseoir aux deux côtés, gauche et droit, de la Galerie. Là, des sièges pouvaient être préparés pour eux ; le public ne s’en occupait pas plus que des rois, reines et héros de nos opéras, quand ils assistent à l’exécution d’un ballet. Cependant sur ce point, je n’ai trouvé aucun renseignement précis.

Quant aux analogies de l’ancienne mise en scène avec les théories modernes, ce n’est plus au théâtre français, mais à l’opéra qu’il faut les demander. Les joueurs de Mystères avaient constamment recours à la surprise des machines et des feintes ; ils avaient de faux saints, de