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historiens n’ont pas parlé, mais il en a omis pour le moins autant d’autres dont il eût facilement retrouvé la mention dans les relations déjà publiées. Que notre trouvère ait chanté avec une certaine complaisance les prouesses des chevaliers ses compatriotes ou ses nobles compagnons de gîte, personne ne doit en être surpris ; mais ce n’est pas assurément dans je ne sais quelles traditions flamandes dont il a fallu supposer l’existence, qu’il aura trouvé tout ce qu’il est seul à nous apprendre du Grec Estatin l’Esnasé ; des Champenois Baudouin Cauderon, Guy de Porcesse, Rogier l’Empereur ; des Poiers ou Picards Thomas de Marle et Raimbaud Creton ; des Lorrains Renier de Toul, Garnier de Grets, Olivier de Mouzon ; des Méridionaux Galo de Caumont et Raimond Pelet ; enfin, des preux chevaliers de l’Île-de-France, de Normandie, de Bavière, d’Allemagne et de Sicile.

N’ai-je pas prolongé la défense de notre pèlerin au delà de ce que pouvait exiger une cause aussi bonne ? J’arrive à Graindor, dont le remaniement mérite une attention sérieuse. Il s’est contenté de nous apprendre son nom et la ville dont il était originaire. C’est Douai, ville alors féconde en gentils faiseurs de lais, fabliaux et chansons de geste. Graindor ne renouvela pas seulement l’œuvre de Richart ; il l’a enfermée dans un second renouvellement, celui de la Chanson dite des Chétifs, œuvre de pure imagination, devenue le préambule et la conclusion d’une œuvre purement historique. Un passage d’Orderic Vital semble nous autoriser à reconnaître dans Guillaume IX, comte de Poitiers, père de la fameuse reine Alienor de Guienne, l’auteur de cette Chanson des Chétifs. Guillaume était parti pour l’Orient, en apprenant l’arrivée des Croisés à Jérusalem. Mais l’armée dont il était un des chefs avait été dispersée par l’ancien sultan de Nicée en traversant l’Asie Mineure. Il avait échappé à grand’peine, et à grand’peine avait pu gagner Jérusalem.

« Pictaviensis dux, dit Orderic Vital, peractis in Jeru-