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avait dû puiser dans les récits des Arméniens, des Syriens ou des pèlerins d’Europe, des idées assez exactes sur les pays situés au delà de l’Euphrate et du Tigre. »

Figurez-vous, maintenant, des Arméniens et des Syriens, faisant le voyage d’Asie pour venir apprendre en Flandres au pèlerin Richard la véritable situation, les véritables distances respectives des villes de ces contrées lointaines. Figurez-vous encore notre trouvère, assez bon latiniste pour avoir pu déjà comparer entre elles les différentes relations des chroniqueurs qui l’avaient précédé, assez versé dans la connaissance des idiomes de l’Orient pour avoir pu consulter avec profit les Syriens et les Arméniens. En vérité, M. Pigeonneau juge ici trop favorablement du savoir et de l’esprit critique de Richard. Une telle érudition, une telle recherche d’exactitude ne pouvait être le fait d’un trouvère du onzième siècle, qu’il ne laisse pas même sortir de sa province. Richard avait eu recours à des moyens plus sûrs de connaître l’Asie Mineure : il l’avait parcourue et n’avait eu qu’à rappeler l’impression qu’il en avait gardée.

4. Il n’en est pas moins impossible de trouver dans son poëme, un vers, un mot, qui trahisse la présence de l’auteur à Nicée, à Dorylée, à Antioche. Tous les épisodes où M. P. P. a cru reconnaître la signature d’un témoin oculaire se retrouvent presque textuellement dans les historiens, ou peuvent s’expliquer par des traditions locales qui se rapportent à des chevaliers de l’Artois, de la Flandre ou du Cambrésis probablement compatriotes de Richard le Pèlerin.

Il est assurément commode de supposer des traditions répandues dans les Flandres, et d’y rapporter ce qu’on lit uniquement dans la Chanson d’Antioche. Mais où donc a-t-on trouvé l’indice de ces traditions ; comment s’étaient-elles formées ? on s’embarrasse peu de nous l’apprendre. Voilà un historien dont les récits faisaient autorité ; que les contemporains avaient seulement blâmé de n’avoir pas dit tout ce qu’il savait[1] ; qu’on avait signalé comme témoin de ce

  1. Lambert d’Adres.