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lancelot du lac.

l’un sur l’autre, et peu s’en fallut que j’en eusse le cœur crevé. »

On se mit au manger. Les nappes ôtées, le bon chevalier demande au maître de la maison ce qui l’avait obligé à sortir armé. « Je revenais de garder un pont, dans l’espoir de voir passer celui qui promit au navré de combattre quiconque aimerait mieux celui qui l’avait navré. Le navré était mon ennemi mortel, pour avoir tué le frère de ma mère : vous comprenez que, pour venger cette mort, je donnerais ma vie. »

Ces paroles désolèrent le bon chevalier, qui regretta bien de les avoir provoquées. Il cacha son émotion ; les lits furent dressés, ils allèrent reposer. Mais lui ne put dormir toute la nuit il gémit et pleura ; car il se voyait contraint, pour éviter le parjure, de provoquer celui qui lui donnait une si courtoise hospitalité.

De grand matin, il se présente devant son hôte, tout armé, à l’exception du heaume et des gants : « Beau sire, dit-il en s’agenouillant, vous m’avez fait grande courtoisie ; je vous demande un don, pour le temps que je resterai dans votre maison. — Sire, relevez-vous ; sauf mon honneur, il n’est rien que je puisse vous refuser. — Grand merci ! avouez donc que vous aimez mieux le navré que celui qui l’a navré. — « Sainte-Marie ! êtes-vous donc le chevalier qui jura de venger le navré ?