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lancelot du lac.

sans doute à toute autre chose que vous ne supposez. — Quant à ses pensées reprit la dame, je présume qu’elles sont les plus hautes du monde. Dieu, qui l’a fait le meilleur et le plus brave, doit avoir adressé son cœur vers ce que la terre a de plus grand et de plus parfait. C’est assurément pour l’avoir mis en haut lieu qu’on lui a vu faire tant de belles armes. » Mais ce cœur, en quel écrin l’avait-il placé ? Combien elle eut donné pour en être la trésorière ! Et s’il en avait disposé, au moins se promettait-elle de faire tout au monde pour découvrir qui le possédait.

Ainsi passa-t-elle plusieurs jours, se nourrissant d’espérances vaines, et ne sachant comment amener le prisonnier à lui découvrir ses pensées. Une seconde fois, elle le fit sortir de la geôle et conduire près d’elle : il voulut s’asseoir à ses pieds ; elle ne le souffrit pas, et lui offrit un siége aussi élevé que le sien. « Sire chevalier, dit-elle, je vous ai fait tenir prison, pour satisfaire à mon sénéchal mais, tant que j’ai pu, j’ai adouci la rigueur de votre captivité ; et si votre bonté égale votre prouesse, vous m’en saurez un peu de gré. — Assurément, dame, répond le prisonnier, comptez-moi pour votre chevalier en tout temps, en tous lieux et dans toutes vos nécessités. — Grand merci ! Or voici le guerdon que je demande ; vous me