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la reine aux grandes douleurs.

inquiétude, il se défiait de tous ceux qui pouvaient se comparer à lui en puissance : il recherchait ceux qui parmi ses chevaliers étaient les plus pauvres, leur demandant plutôt conseil. Il allait volontiers au moutier, mais sans faire plus de bien aux gens besoigneux. Il se levait et déjeunait de grand matin, jouait assez rarement aux échecs et autres jeux de table. Mais il aimait à chasser en bois, à voler en rivière avec le faucon plutôt que l’épervier. Lent à tenir ses engagements, il espérait toujours que sans parjure il pourrait s’en affranchir. Une seule fois dans sa vie, il avait aimé d’amour : quand on lui demandait pourquoi il y avait renoncé « Par ce, disait-il, que je veux vivre longtemps. Il faut qu’un cœur amoureux vise toujours à surmonter en prouesse tous les autres, et qu’il passe sa vie à défier la mort. Mais si le corps pouvait satisfaire à tout ce que le cœur peut demander, je ne cesserais pas d’aimer un jour de ma vie, et je voudrais passer tout ce qu’on raconte des meilleurs chevaliers. »

Ainsi parlait Claudas entre les gens, et il disait vrai ; au temps de son amour, il avait été merveilleux en prouesses ; on avait chanté ses louanges jusque dans les pays lointains. Il y avait deux ans qu’il tenait paisiblement les deux royaumes de Gannes et de Benoïc, quand la pensée lui vint de passer en Grande-Bretagne, pour