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les enfances.

longue robe serrée et recouverte d’une chape noire. La dame, perdue dans sa douleur, ne le vit ni ne l’entendit approcher. Mais lui, rejetant son chaperon sur les épaules : « Madame, dit-il, Dieu vous rende la joie que vous avez perdue ! » Hélène, d’abord un peu troublée, rendit le salut, car tout dans le religieux annonçait un prud’homme ; la taille haute, les cheveux noirs entremêlés de blancs, les yeux grands et noirs, les épaules larges, les poings gros, carrés et gonflés de veines, la tête, le visage traversé de cicatrices. « Veuillez bien m’apprendre, Madame, reprit-il, comment, étant au service de Notre-Seigneur, vous pouvez démener un tel deuil. On ne doit plus, une fois en religion, se désoler de rien, sinon des péchés qu’on a commis dans le siècle. — Sire, répondit la reine, ce ne sont pas les pertes terriennes qui m’affligent, toute reine de Benoïc que l’on m’ait longtemps nommée ; mais c’est la perte du roi mon seigneur, et celle de mon jeune enfant que je vis emporté de ce lieu même au fond de ce lac, par une dame ou, peut-être, un démon. Je viens ici tous les jours prier pour la moitié de ma chair, ainsi que dit Sainte Église, et j’espère que mes larmes me rendront plus favorable la bonté divine. Quand je me représente que Dieu, dans la même heure, a voulu me séparer de mon seigneur et de mon