Page:Paris, Paulin - Romans de la Table Ronde, tome 3.djvu/70

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
65
les enfances.

dit-elle à Lionel, buvez, beau fils de roi. — Oui, mais un autre paiera le vin. » Aussitôt les voilà pris tous les deux d’un violent transport ; car la vertu des fleurs, la force des pierres les pénétrait d’une ardeur dévorante. Lionel avait pris la coupe : « Brise-la, frère, contre terre, » dit Bohor. Lionel la lève à deux mains et la fait retomber de toute sa force sur le visage de Claudas, qu’il frappe et refrappe sur les yeux, le nez, la bouche. Du tranchant de la coupe, il lui entr’ouvre le front, puis, tirant à lui les deux candélabres, il renverse le sceptre et l’épée, jette la couronne sur le pavé, la foule aux pieds, en fait jaillir les pierreries. Aussitôt le palais retentit de cris, tous se lèvent de table, les uns pour arrêter les enfants, les autres pour les défendre.

Le roi avait glissé de son siége, pâmé, couvert de sang et de vin. Dorin s’était élancé pour le venger, Lionel avait saisi l’épée, et Bohor, le grand sceptre à la main, lui venait en aide. Sans l’intérêt que bien des chevaliers présents portaient aux enfants, leur vaillance eût servi de peu ; déjà même, épuisés de fatigue, ils allaient être mis sans défense, et Claudas, en revenant à lui, jurait qu’ils ne lui échapperaient pas. Alors Sarayde, la sage demoiselle, les entraîne vers la porte ; Dorin les y poursuit. Lionel se retourne, rassemble toutes les forces qui lui restent et le