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POUR LES CURÉS DE PARIS.


leur résista en face, et ce fut pour ce sujet qu'il fut enfin condamné, comme on voit dans les Annales de Baronius (ann. 754).

C’est ainsi que les saints patriarches et les prophètes ont été accusés, comme fut Élie, de troubler le repos d’Israël, et que les apôtres et Jésus-Christ même ont été condamnés comme des auteurs de trouble et de dissension, parce qu’ils déclaroient une guerre salutaire aux passions corrompues, et aux funestes égaremens des pharisiens hypocrites et des prêtres superbes de la synagogue. Et c’est enfin ce que l’Écriture nous représente généralement, lorsque, faisant la description de ces faux docteurs, qui appellent divines les choses qui sont diaboliques, comme les casuistes font aujourd’hui de leur morale, elle dit dans la Sagesse (chap. XIV), qu’ils donnent aussi le nom de paix à un renversement si déplorable. « L’égarement des hommes, dit le sage, va jusqu’à cet excès, qu’ils donnent le nom incommunicable de la Divinité à ce qui n’en a pas l’essence, pour flatter les inclinations des hommes, et se rendre complaisans aux volontés des princes et des rois ; et ne se contentant pas d’errer ainsi touchant les choses divines, et de vivre dans cette erreur qui est une véritable guerre, ils appellent paix un état si rempli de troubles et de désordres : In magno viventes inscientiœ bella tot et tanta mala pacem appellant. »

C’est donc une vérité capitale de notre religion, qu’il y a des temps où il faut troubler cette possession de l’erreur que les méchans appellent paix ; et on ne peut en douter, après tant d'autorités qui le confirment. Or, s’il y en eut jamais une occasion et une nécessité indispensable, examinons si ce n’est pas aujourd’hui qu’elle presse et qu’elle contraint d’agir.

Nous voyons la plus puissante compagnie et la plus nombreuse de l’Église, qui gouverne les consciences presque de tous les grands, liguée et acharnée à soutenir les plus horribles maximes qui aient jamais fait gémir l’Église. Nous les voyons, malgré tous les avertissemens charitables qu’on leur a donnés en public et en particulier, autoriser opiniâtrement la vengeance, l’avarice, la volupté, le faux honneur, l’amour propre, et toutes les passions de la nature corrompue, la profanation des sacremens, l'avilissement des ministres de l’Église et le mépris des anciens Pères, pour y substituer les auteurs les plus ignorans et les plus aveugles : et cependant ce débordement de corruption étant prêt à submerger l’Église sous nos yeux, nous n’oserons, de peur de troubler la paix, crier à ceux qui la conduisent : « Sauvez-nous, nous périssons ! »

Les moindres vérités de la religion ont été défendues jusqu’à la mort ; et nous relâcherions les points les plus essentiels de notre religion et les maximes les plus importantes et les plus nécessaires pour le salut, parce qu’il plaît, non pas à trois cents évêques, ni à un seul, ni au pape, mais seulement à la société des jésuites, de les renverser !

« Nous voulons, disent-ils, conserver la paix avec ceux mêmes qui n’en veulent point. » Étranges conservateurs de la paix, qui n’ont jamais laissé passer le moindre écrit contre leur morale sans des réponses sanglantes, et qui, écrivant toujours les derniers, veulent qu’on demeure