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DISSERTATION SUR LES COMMANDEMENS DE DIEU.


pouvons pas faire cette demande, si Dieu n’opère en nous de le vouloir. » (Fulg., lib. Il, De rerit. prædest., cap. IV.)

« Les préceptes ne nous sont donnés que par cette seule raison, qui est de nous faire rechercher le secours de celui qui nous commande, » etc. (Prosper, Epist. ad Deme. riad.)

« Les pélagiens s'imaginent dire quelque chose d’important, quand ils disent que Dieu ne commanderoit pas ce qu'il sauroit que l'homme ne pourroit faire. Qui ne sait cela ? Mais il commande des choses que nous ne pouvons pas, afin que nous connoissions à qui nous devons le demander. » (Aug., De nat. et grat., cap. XV et XVI.) « O homme ! reconnois dans le précepte ce que tu dois ; dans la correction, que c'est par ton vice que tu ne le fais pas ; et dans la prière, d’où tu peux en avoir le pouvoir ! (Aug., De corrept., cap. III.) Car la loi commande, afin que l’homme, sentant qu’il manque de force pour l'accomplir, ne s’enfle pas de superbe, mais étant fatigué, recoure à la grâce, et qu’ainsi la loi l’épouvantant le mène à l’amour de Jésus-Christ. » (Aug., De perfect respons. et ratiocin. œj., cap. v.)


CONCLUSION.


Concluons donc de ces décisions toutes saintes : que Dieu, par sa miséricorde, donne, quand il lui plaît, aux justes le pouvoir plein et parfait d'accomplir les préceptes, et qu’il ne le donne pas toujours, par un jugement juste, quoique caché.

Apprenons, par cette doctrine si pure, à défendre tout ensemble la puissance de la nature contre les luthériens, et l’impuissance de la nature contre les pélagiens ; la force de la grâce contre les luthériens, et la nécessité de la grâce contre les pélagiens ; sans ruiner le libre arbitre par la grâce, comme les luthériens ; et sans ruiner la grâce par le libre arbitre, comme les pélagiens : et ne pensons pas qu’il suffise de fuir une de ces erreurs pour être dans la vérité.

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DISCOURS


Où l'on fait voir qu’il n’y a pas une relation nécessaire entre la

possibilité et le pouvoir.


Toutes les choses qu’il est possible qui arrivent à un sujet, ne sont pas toujours au pouvoir de ce sujet : et quoiqu’on se laisse aisément prévenir de l’opinion qu’il y a une relation nécessaire de l’un à l’autre, il n’y a rien de plus facile et de plus commun que de voir le contraire. Ce n’est pas que cette relation ne soit aussi ordinaire ; mais il s’en faut beaucoup qu'elle soit générale et nécessaire. Voici des exemples de l‘un et de l’autre.

Un prince étant légitime héritier d’un royaume, et reconnu pour véritable roi par tous ses sujets, sans division et sans répugnance, il est ensemble véritable, et qu’il est possible qu’il soit roi, et qu’il est en son pouvoir de l’être. Il est possible qu’un homme sain et libre coure quand